Communiqué : « Tout ce bordel pour un arbre ! » - Jean Labour en CM du 14 novembre

Le conseil municipal de Sauveterre de Béarn s’est prononcé lundi 14 novembre par neuf voix contre six pour une expertise de 11 platanes de la Place Royale, qui aura lieu en janvier 2023. N’a pas été retenue l’option consistant à expertiser uniquement les deux arbres pour lesquels la première expertise avait recommandé qu’ils soient supprimés rapidement et le platane devant le bar de la mairie, qui n’avait pas fait l’objet d’une expertise précédemment. Les élus de l’opposition, le Maire Jean Labour et ses deux adjoints ont voté pour cette expertise limitée. « Il est dommage que la majorité municipale n’ait pas choisi simplement de conserver les arbres qui n’étaient pas visés par la première expertise. Cela aurait rassuré les habitants, qui y sont très attachés, et coûté moins cher à la collectivité, » regrette le Collectif Sauve-Terre, une initiative citoyenne qui représente une pétition de plus de 750 signataires.

L’arbre numéro 11 a été cette fois exclu de l’expertise, et il a été confirmé qu’il sera abattu dans les jours qui viennent. Le maire a justifié la légalité de cet abattage en évoquant le permis d’aménager du 2 septembre 2021, qui avait reçu l’accord des autorités. Pourtant, son abattage immédiat ne faisait pas parti des recommandations de l’expertise commanditée par la mairie, qui faisait même état de sa « forte vitalité ». En fait, il sera détruit uniquement parce qu’il gênerait l’esthétique d’une rangée de nouvelles plantations prévue à cet endroit par l’architecte. « Dans un contexte national de préservation des arbres et de la biodiversité, le simple fait de sacrifier un arbre patrimonial pour des raisons esthétiques et intolérable ! » s’indigne Sylvain Chevallier, président de l’association de sauvegarde de l’environnement APQV.

En début de réunion le Maire-adjoint Michel Casamayor s’est voulu rassurant, en affirmant que la municipalité souhaitait conserver un maximum d’arbres, mais d’autres membres de la majorité étaient moins catégoriques. Daniel Campet se demandait si « la stratégie pourrait être : on en fait tomber 5 pour remettre de suite 5 et ça va accompagner, il y en a 5 qui vont se développer ensemble etc. » Patrick Le Bonnec a souligné que quelque soient les conclusions de l’expertise, la décision d’abattre ou non serait prise par le conseil municipal. Il a ajouté, que les arbres ne pouvaient pas être soignés, ce qui est contraire aux conseils donnés par l’ONF et aux conseils de gestion que l’APQV a financé et remis aux élus (et qu’ils ont confondu avec une expertise engageant la responsabilité de son auteur). Dans un guide d’octobre 2022, l’Office Français de la Biodiversité recommande à présent aux collectivités une toute autre façon de réaliser des projets de réaménagement de l’espace public : L’enjeu est ensuite d’anticiper l’entretien à long terme, l’impact sur le paysage et sur la biodiversité alentour (…) Bien que leur organisation interne conditionne une partie de la réussite de la stratégie, les collectivités ne sont pas seules pour l’orchestrer. Il est important de savoir s’entourer de partenaires compétents (experts techniques, accompagnements publics, associations, entreprises, …) et de la mobilisation citoyenne pour les assister durant le temps de déploiement de la stratégie ou selon la nature des projets.

En effet, selon la loi, les communes ne peuvent plus décider d’abattre des arbres comme bon leur semble. En raison de leur importance capitale pour la biodiversité, une nouvelle loi du Code de l’environnement datant de février 2022 protège désormais les arbres du domaine public. Elle interdit d’abattre un arbre, même isolé, sans consultation publique et autorisation préfectorale préalable, sauf danger imminent (voir doc joint). « Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure la nouvelle loi de février 2022, renforçant le droit des arbres publics, a influencé la mairie à commanditer une nouvelle expertise au printemps dernier. Voulait-elle s’affranchir d’une consultation publique imposée par la nouvelle réglementation ? » s’interroge le Président de l’APQV.

Quoi qu’il en soit la municipalité s’est engagée à préserver les « continuités écologiques », d’une importance primordiale pour la biodiversité et la lutte contre le réchauffement, dans le plan de développement durable dont elle s’est dotée dans le cadre de la révision du PLU en cours. Les alignements de la place royale constituent justement des continuités écologiques, d’autant plus importantes qu’elles se trouvent juste au-dessus des abords du Gave d’Oloron, une zone bénéficiant du plus haut degré de protection gouvernementale écologique (sites Natura 2000).

De plus, la loi de février 2022 précise également qu’il est interdit « de compromettre la conservation » de tels alignements ou même d’un arbre isolé. Or, le chantier qui démarre à présent sur la place risque précisément de porter atteinte aux systèmes racinaires des platanes. Les réseaux et décaissements prévus ainsi que certaines démolitions ne sont tout simplement en l’état pas compatible avec le maintien et la survie à long terme de ces platanes en alignement. Selon les mises en garde de tous les experts arboricoles (y compris Pierre Aversenq, auteur de la première expertise), une tranchée à moins de 3 m du tronc compromet la survie de l’arbre.

L’APQV a donc écrit le mardi 15 novembre par lettre recommandé au Maitre d’Œuvre pour lui rappeler sa responsabilité juridique dès lors que la survie de ces arbres est remise en question par les aménagements. « La mairie et son maitre d’œuvre n’ont toujours pas communiqué un cahier des charges précis sur la conduite de chantier autour des arbres. Cette simple demande de dialogue exprimée par le Collectif et l’APQV il y a plus de 2 mois maintenant reste toujours lettre morte. Pire, aujourd’hui, l’exécutif de la mairie la discrédite en accusant le collectif de vouloir interrompre le chantier, de s’opposer à la réalisation du projet, » s’exaspère le Président de l’association qui défend le patrimoine.

Or, si la mairie a décidé de mettre le chantier en « stand-by » il ne peut y avoir de lien avec une initiative citoyenne visant à sauvegarder les arbres qui étaient prévus dans le projet. C’est la mairie qui a décidé de soumettre ces arbres à une expertise et qui a évoqué leur abattage lors du conseil municipal du 19 septembre deux jours avant le démarrage des travaux. Par ailleurs, même les dégradations constatées il y a deux semaines sur les grands arbres patrimoniaux en face de l’église n’ont pas conduit à l’interruption de ce chantier. Pourtant, contrairement à ce qu’à affirmé dans la presse Michel Casmayor, ce n’est pas une seule racine du grand platane qui aurait été « un peu râpée », mais bien quatre grandes racines qui ont été tronçonnés, compromettant l’ancrage de cet arbre patrimonial.

C’est à la suite de ces dégradations, actées par un constat d’huissier, que le Collectif a demandé des ajustements du plan de démolition, afin d’éviter des tranchées dans cette zone mais n’a jusqu’à ce jour reçu aucune réponse. « Ce n’est pas l’état de santé de ces platanes le problème, c’est l’absence d’intégration réfléchie sur le plan de leur santé (et de leur survie) dans ce chantier. C’est à se demander même si leur maintien sur le site était en fin de compte envisagé,» explique Emmanuel Périer, porte-parole du collectif.

Une partie du débat lors de ce conseil municipal a été consacrée à une expertise complète des 167 arbres de la commune effectuée à la demande de la mairie en 2018 par l’ONF. L’expert de l’ONF, Patrick Boniface, avait examiné les arbres de la place royale et avait recommandé un diagnostic approfondi pour l’arbre numéro 11 dans l’année, recommandation restée sans effet. Tous les autres arbres de la place étaient considérés comme n’ayant aucun problème majeur. Pour un seul, l’arbre numéro 7, il était recommandé un recalibrage en retirant une branche, recommandation restée également sans effet. « Si la mairie n’a rien fait sur ces deux arbres depuis 2018, elle a beau jeu de mettre en avant aujourd’hui sa préoccupation de sécurité des usagers de la place,» constate Emmanuel Périer.

L’opposition s’est interrogée pendant le débat sur l’opportunité d’avoir fait appel à un expert au printemps dernier, alors que la mairie avait en main ce diagnostic complet de l’ONF, qui ne recommandait aucun abattage de ces platanes: « J’ai quand même l’impression que c’est une expertise d’opportunité, » a dit Guy Perez, en parlant de ce renouvellement d’expertise. « J’ai l’impression qu’on a voulu la faire pour démontrer que ces arbres étaient à abattre parce qu’ils gênaient le chantier. »

Frédéric Guideuil a rétorqué que les deux expertises (celle de l’ONF et celle commanditée par la mairie) n’était pas à mettre sur le même plan, car celle de l’ONF aurait comporté, selon lui, un diagnostic purement sanitaire. Or, l’ONF a bien procédé à une évaluation mécanique, sur laquelle il a basé ses recommandations concernant l’arbre numéro 7 et l’arbre numéro 11. Seuls 14 arbres de la commune ont été considérés comme porteurs « d’un défaut mécanique préoccupant dangereux », aucun ne se trouvait Place Royale. D’autres élus de la majorité ont ensuite invoqué la nécessité de refaire un diagnostic quatre ans après, parce que les arbres auraient « évolué ». En fait, l’expert de l’ONF précisait bien que « aucun facteur aggravant (insectes xylophages ou champignon lignivore par exemple) n’a été relevé en relation directe avec les problèmes physiologiques et mécaniques rencontrés sur ces arbres.»

Compte tenu de toutes les incertitudes qui demeurent quant à la motivation réelle de la mairie en procédant à une troisième expertise complète, le collectif et l’APQV restent vigilant. Loin de vouloir empêcher la réalisation du projet de requalification (auquel ils ont toujours publiquement adhéré pour sa végétalisation des places), ils souhaiteraient une réunion publique et que les représentants des habitants soient consultés après la réalisation de l’expertise, au moment où les décisions concernant le devenir des platanes seront à nouveau débattus. « Nous avons l’impression d’être méprisés, être diabolisés, rendu responsables de la tension actuelle, alors que nous demandons depuis le début un dialogue. À ce jour tout est resté lettre morte. » conclut Sylvain Chevallier.

PA_Plan_DEMOLITIONS.pdf (2,6 Mo)