Interdiction des marchés : pas à Sauveterre!

Marché à Sauveterre : vers une réouverture ?

Ce matin les cloches ont sonné toute la matinée, mais ce n’était pas celles de l’église : « juste un farfelu qui tape sur une casserole. » Des regards dédaigneux, méprisants, voire carrément hostiles aux sourires de connivence et aux encouragements, la panoplie des sentiments confinés en déconfiture a salué mon passage et ces quelques sourires, je dois dire, m’ont beaucoup affectés : merci à vous tou·te·s qui avez répondu à ma « demande d’attention » par ces gestes simples et conviviaux et l’humour dont nous manquons tant en cette période sous pression.

Une file ininterrompue de voitures embaumaient l’air épuré du parvis en attendant leur tour d’entrer dans le dispositif carcéral du « drive » tandis que nos product·eur·rice·s favori·e·s, toujours au rendez-vous, pouvaient éviter leurs effluves inopportunes grâce aux masques de chantier qu’iels portaient, plus pour le protocole que le danger, car c’est aux malades qu’on demande de porter des masques pour éviter d’infecter autrui – mais dans le doute, mieux vaut prévenir que subir la déliquescence du système de santé français.

Parmi les nouveautés de ce samedi à Sauveterre, outre les files d’attentes dans tous les endroits ouverts de la ville qui s’agrandissent (peut-être en raison du soleil radieux ?), c’est la présence tout aussi radieuse de Laura qui a ouvert la Légende pour proposer ses gammes de vin naturel. Si vous avez le confinement mélancolique, ou la Pâque joyeuse, passez la voir, elle vous ouvrira des horizons printaniers.

Mais toujours pas de savon, car toujours pas de marché. L’ersatz du « drive » pèse sur les product·eur·rice·s qui doivent encaisser les appels, les SMS, les emails qu’iels reçoivent chaque jour puis, en plus de leur travail habituel, doivent peser, calibrer, emballer et préparer les commandes en espérant n’en oublier aucune, ce qui peut arriver. Ces activités supplémentaires qui ne sont aucunement répercutées dans le prix de nos victuailles sont tout à la charge de nos product·eur·rice·s, avec évidemment des facilités pour celleux dont les produits sont déjà prêts mais qui deviennent vite un fardeau pour d’autres qui doivent les fabriquer et les conditionner à la demande. Et puis, c’est la course contre la montre : on n’a que peu de temps à consacrer à une conversation pourtant nécessaire. Je vous invite à réfléchir comment nous pourrions utiliser les Champs pour centraliser les commandes et éviter une dispersion auprès des product·eur·rice·s déjà bien sollicité·e·s.

En arrière plan, des observateurs antipathiques de la mairie de Sauveterre veillent pour s’assurer qu’aucun faux pas n’est commis, mais sans prêter main forte. Ces messieurs devraient s’inspirer de l’expérience d’autres marchés (Orthez, Mauléon) où la disposition plus clairsemée est plus rassurante pour les consommat·eur·rice·s, où le circuit est balisé et où ils pourraient, au lieu de jouer les garde-chiourmes, contribuer à la bonne ambiance en invitant les personnes à se désinfecter les mains en entrant et pourquoi pas en sortant du marché : cela serait l’occasion de pratiquer le gel hydro-alcoolique à l’entrée – dont on attend toujours une livraison depuis la Chine en espérant qu’elle ne soit pas détournée « par en haut » – et puis d’organiser à la sortie un atelier lavage de main au savon naturel de Burgaronne : eau savonneuse, gestes et durée utiles, des serviettes en papier à usage unique et la possibilité d’acquérir un savon de maîtres-savonniers artisanaux et locaux sans recourir à l’industrie chimique.

Les chiffres ne sont-ils pas trompeurs ? Ne montrent-ils pas que la crise du COVID-19 touche principalement l’Europe, « premier continent touché par la pandémie » martelait encore la radio ce midi… Mais ne soyons pas dupes : si nos contrées sont capables (à peine) de mesurer l’ampleur de la contagion, ne pensez pas que l’Afrique soit moins touchée : par quel miracle le virus ne toucherait-il pas une population déjà décimée par Ebola, le VIH ou le SARS version 1… Lorsqu’on prendra la mesure de l’ampleur de la contagion hors des pays qui ont les moyens de la mesurer on verra que ce n’est pas qu’un problème de riches. Les États-Unis n’ont-ils pas commencé de voir les cas réels en les observant, pour se retrouver « en tête » (comme d’habitude), après un déni qui, comme celui de l’Iran ou de la Tanzanie, les montraient quasiment épargnés ? Montrer que « les plus touchés » sont nos pays permet de détourner l’attention sur ce qui se passe ailleurs[1].

Car ce qu’on dit moins, c’est que depuis plusieurs mois l’Afrique de l’Est est soumise à une vague impressionnante de criquets pèlerins qui par centaines de milliards envahissent la zone des Grands Lacs, de la Somalie au Kenya, menaçant les récoltes dans une région comptant 10 million d’habitants, bientôt touchés par la famine annoncée. En janvier, la FAO annonçait qu’il fallait (seulement, au regard des dépenses consenties pour la guerre, la guerre, la guerre, la guerre, la guerre contre le Coronavirus) 72 millions d’EURO pour régler l’invasion des criquets avec des pesticides. Une bagatelle en comparaison du trésor de « guerre » investi par nos gouvernements, soudain disposés à l’action franche et massive pour sauver la peau de leurs bourses, si je puis m’exprimer ainsi.

Ce sont ces éclairages qui bientôt deviendront évidents. Comme celui dont je tire une partie des ces faits, dont j’ai plus longuement discuté la nuit dernière[2], une nuit sans repos, en réponse à une chronique de Renaud Girard[3] qui se demandait si le confinement n’était pas pire remède que le virus… Un peu partout les confiné·e·s sortent de leur torpeur pour reprendre le fil de leurs pensées et dérouler de nouvelles pelotes (sans fronton ni trinquet) souvent inédites : car tout a changé et rien ne sera plus comme avant.

Alors, espérons que samedi prochain, grâce aux efforts de fourmis de Beñat Erbin et des irréductibles vendeu·r·se·s du marché de Sauveterre, celui-ci rouvrira dans de bien meilleures conditions. Et si vous voyez un farfelu dans le Sud-Ouest de demain, vous pourrez également y trouver 4 attestations de déplacement dérogatoire pour vous rendre au marché samedi ou entre temps prendre le soleil et participer au 0% de surmortalité en Pyrénées-Atlantiques[4] par rapport à la même époque en 2018 et 2019.

Songez seulement à maintenir vos distances, éviter de toucher votre visage après avoir touché des surfaces potentiellement contaminées (à peu près tout ce qui dans l’espace public est touché par autrui : poignées de porte, distributeurs d’argent, parcmètres, monnaie, cartons d’emballage…[5])

Et joyeuses Pâques ! On voyage comme on pneu


  1. Covid-19, le solutionnisme n’est pas la solution - #2 by how - Prendre Soin - petites singularités ↩︎

  2. ailleurs, ou plus tard : lors des prochaines vagues de SARS-nCOV-2 ou version suivante, qui ne manqueront pas d’apparaître d’ici quelques mois ou à la saison suivante, nous ne pourrons pas confiner tout le monde. D’ici là, vaut-il mieux un meilleur système de surveillance, ou de solidarité ? À considérer le traitement de l’Italie par l’UE, on voit bien la tendance qui se dessine vue d’« en haut ». ↩︎

  3. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/04/10/coronavirus-la-surmortalite-en-france-par-age-sexe-et-departement_6036275_4355770.html ↩︎

  4. LE CONFINEMENT, REMÈDE PIRE QUE LE MAL ? ↩︎

  5. le virus est susceptible de survivre 48H sur du carton, et jusqu’à 4H sur les autres surfaces, il est ainsi important de laisser vos courses au soleil (dehors, sans vitre qui bloquent les UV) pendant 24H afin de permettre aux rayons ultra-violets de diminuer la charge virale. Pour de plus amples informations sur les estimations de la durée de vie du virus sur les surfaces inertes, voir Maladie à coronavirus 2019 — Wikipédia ↩︎